Fiche bibliographique

René-jean - "La Provence à Paris - L'exposition de Pierre Girieud"
Le Petit Provençal---

-Marseille
23 février 1925 p.1
Contenu sur Girieud
Solliès-la-Ville, Allauch, moustiers, Cucuron, Saint-Tropez, voilà quelques uns des noms que l'on peut lire au catalogue d'une exposition ouverte depuis quelques jours dans une petite galerie de la rue Laffitte : M. Pierre Girieud y expose une trentaine de tableaux, des paysages en majorité, ses dernières productions. La campagne méridionale célébrée par le pinceau de ce peintre apparaît sévère, en son pittoresque classique. Ce n'est pas son lyrisme ensoleillé que décrit M. Girieud, c'est la grandeur austère de ses collines, le hiératisme de ses cyprès, la force de ses rochers, proche desquels partfois s'abrite, comme à Moustiers, l'élancement d'un clocher. Ce à quoi certains peintres arrivent par l'élan d'un lyrisme : l'expression d'une émotion filiale et admirative, M. Girieud y parvient par la persistance de sa volonté. Il étudie son sujet, le pénètre, l'approfondit, et, par une série d'efforts constants et répétés, sucite l'intérêt que d'autres, au contraire, semblent éveiller presque en jouant. Cette conscience opiniâtre qui n'est jamais satisfaite, ne va pas sans ecueils. Si l'intensité obtenue récompense le plus souvent un labeur méditatif sans défaillance, il arrive parfois que l'artiste qui a trop réfréné ses premiers élans, frôle la froideur et ne l'évite pas toujours. Pour qui cherche à pénétrer le secret qu'apporte chaque tableau, certaines luttes se lisent à livre ouvert; ces luttes donnent du caractère de l'artiste l'idée la plus haute qui se puisse concevoir et oblige à s'incliner bien bas devant la noblesse de son activité. A ses début, il paraissait que M. Girieud voulait surtout se manifester dans la décoration monumentale. Hélas! notre époque n'est pas favorable aux vastes récits picturaux. Elle ne livre pas à l'artiste l'ampleur de vastes murailles à enrichir. Toutefois, à cette exposition, deux projets montrent que l'artiste n'a rien perdu de son goût des larges synthèses, que ses qualités d'équilibre dans la composition restent intactes, et qu'elles attendent l'occasion favorable pour s'exprimer pleinement comme dans le passé. Ces projets furent esquissés pour orner un coin de l'exposition des Arts Décoratifs. A considérer les seuls mérites picturaux, on regrette que suite favorable ne leur ait pas été donnée. Mais les peintres oublient trop aisément qu'en certaines occasions le sujet a tout de même une importance. Les fresque où M. Girieud se proposait de célébrer les Arts de la Pierre et les Arts de la Vie, étaient avant tout, une glorification de la Renaissance italienne. Qu'auraient dit les Marseillais, si, pour orner le Palais de Longchamp, Puvis de Chavannes avait proposé, d'une part, l'évocation de la douceur de la vie florentine; d'autre part, celle de l'activité du Port de Gènes? Ils eussent trouvé la plaisenterie un peu forte. C'est la mésaventure qui est arrivée à M. Pierre Girieud. Les amis de son talent le déplorent, mais, ici, l'artiste ne peut faire que son mea culpa; l'effort contemporain qu'il s'agissait de célébrer appelait un autre thème, voulait d'autres allégories. Il n'en reste pas moins que l'exposition de M. Girieud est du plus haut intérêt. Elle suffit à prouver combien est justifiée la place prise par l'auteur dans la peinture contemporaine, et l'estime dans laquelle le tienne tous les artistes