Fiche bibliographique

René-Jean - "Artistes Provençaux à Paris - Une exposition d'oeuvres récentes de M. Pierre Girieud"
Le Petit Provençal---

-Marseille
10 octobre 1929 p.1
Contenu sur Girieud
L'année artistique s'ouvre à Paris par l'intéressante exposition que fait de ses dernières oeuvres que, à la Galerie Druet, notre compatriote M. Pierre Girieud. L'oeuvre de M. Girieud est toute d'austère probité. Rien n'y est laissé au hasard d'une heureuse improvisation. Tout apparaît réfléchi et médité. Aucuns de ces brillants trompe-l'oeil dont usent les peintres pressés ou inhabiles. Sur des pensées modernes faisant des vers antiques, M. Pierre Girieud apporte à son métier la foi patiente d'un primitif. Mises à part quelques savoureuses interprétations du Tintoret et de Rubens, c'est la France du sud est que M. Girieud a emprunté les thèmes de tous ses paysages. On croirait que cet artiste qui cependant fait de nombreux et longs séjours à Paris, où il compte beaucoup d'amis, se méfie des séductions vapareuses de l'Ile de France et leur préfère l'austérité grise des terres où poussent la vigne et l'olivier. Saint-Rémy, Orgon, Eguières, Moustiers, Riez lui ont fourni tour à tour des sujets. M. Girieud n'aime pas s'éloigner des régions que le monde antique féconda. Après avoir célébré la grandiose architecture des rois, il éprouve le besoin de dresser un fragment de colonnade ou de proclamer la beauté des antiques chers au coeur de tout homme cultivé. Epris de classicisme, il place fréquemment dans ses paysages, des figures de femmes dénudées ou drapées, rejoignant ainsi la tradition du Poussin, mais le temps n'est plus, où chacun étant habitué aux littératures antiques, toute femme apparaissant "était aussitôt Ilie, c'était la nymphe Egerie" et ces figures n'ajoutent pas grand-chose à ses paysages dont l'âpre et sévère ordonnance se suffit à elle-même. Voir apparaître, devant une campagne dont la profondeur vient de se heurter à des rocs solides et impressionnants Lou Pastre avec son chien et ses moutons est aussi évocateur, sinon plus, que de voir devant un paysage du même genre, une ronde d'enfants nus ou une femme drapée dans l'attitude où les artistes d'autrefois symbolisaient une source ou un fleuve. Les nobles tendances de M. Pierre Girieud sont celles qui marquent en notre temps le désir des peintres vers un nouvel ordre classique. Cet ordre pour s'imposer n'a que faire des apparences extérieures du passé. Il n'a qu'à rechercherl'esprit qui fit naguère sa force et sa grandeur et à le prendre comme armature dans la vie contemporaine. En reniant toutes les séductions improvisées, en écartant de parti pris tous accidents heureux que pourrait offrir le hasard, M. Pierre Girieud s'est soumis à une discipline qui fait sa force. Est-ce à dire que cette discipline soit également bienfaisante pour tous autres? L'affirmer est peut-être hasardeux. Le poète s'évade des règles trop rigides et qu'il n'a point formées : la peinture a aussi ses poètes. Il n'en reste pas moins que l'exemple de M. Girieud est à recommander aux jeunes peintres qui pensent que la méditation et le travail sont choses périmées. Rien ne subsiste, en dépit de certaines apparences, de ce qui n'est pas fécondé par le travail et par la méditation.