Les élèves de l'Ecole des Beaux Arts vont pouvoir suivre un cours sur la technique de la fresque. Un des plus éminents peintre français, M. Pierre Girieud, qui se trouve ici en mission, a été en effet chargé d'enseigner à nos futurs professionnels de la palette les secrets d'un art difficile entre tous, et dont la difficulté n'est pas seulement, comme on a souvent tendance à le croire, fonction de la surface à recouvrir.
Peu de personne du reste sont aussi qualifiées que M. Girieud pour diriger des néophytes sur des voies que lui-même a empruntées et au bout desquelles il a trouvé la célébrité.
Pierre Girieud est originaire de cette Provence aux paysages, si éclatants, si lumineux, si colorés qu'à les voir, même sans des yeux de peintre, on est transporté d'enthousiasme. Mais de tels spectacles révèlent et quelques fois forcent des vocations. Girieud, et cela désespérait son père, un ingénieur, qui s'y résigna ensuite, Girieud avait toujours eu l'ambition de mettre sur la toile les tons magnifiques qui l'enchantaient dans la nature méridionale. Il travaille évidemment seul, il est inspiré.
En 1900, Girieud a terminé son service militaire; grâce à une pension que lui sert son père, revenu à de meilleurs sentiments, il peut réaliser son rêve; Il s'installe à Paris. Il peint toujours, mais dans la capitale - est-ce parce qu'il s'est transplanté dans un milieu plus vaste - il s'attelle tout de suite à de grandes compositions. On sent déjà, et lui-même sans doute ne s'en pas encore compte, que ses tâtonnement le dirigent vers la fresque, que ses instincts ont besoin d'un moyen d'expression toujours plus ample.
Il se même à ceux qui, à l'époque, sont à l'avant-garde, il fréquente sutout Launay, élève de Cormon; et qui était un des rares artistes à admirer Cézanne et Lautrec.
En 1902, Girieud expose pour la première fois aux Indépendants, puis avec d'autres, il se laisse conquérir par la manière de Gauguin et Van Gogh - qui eux aussi ont des souvenir de la Provence.
Il donne aux Indépendants, deux ans plus tard, une Tentation de Saint Antoine qui, par sa conception, son ordonnance, rappelle certaines œuvres du XIV° siècle français. Il y a dans cette composition une recherche des équilibres, une construction des plans qui provoquent dans la critique ce que l'on appelle des mouvements divers. Deux ans encore plus tard, il envoie au Salon d'Automne un Hommage à Gauguin. Il revenait alors d'un long voyage en Italie et son travail s'en ressent : les méditations qu'il a faites devant les chefs d'oeuvre du Quattrocento transparaissent, et son effort cette fois, est encore plus remarqué et commenté plus diversement encore. Mais Girieud a conquis le droit de cité parmi les meneurs du monde : c'est déjà la notoriété.
Et depuis lors, il travaille, partagé entre l'inspiration Gauguin et l'inspiration italienne. Il n'a cependant pas abandonné la nature et c'est toujours là que sa pensée trouve un fond où elle peut se renouveler.
En 1912 et 1913, il est de retour dans la ville qui l'a vu grandir. Marseille. Mais Marseille s’intéresse moins à Girieud que Girieud à Marseille.
En 1914 : la guerre. Girieud infirmier, peint quand il peut et où il peut, c'est-à-dire sur les murs des baraquements.
Il évolue toujours, il travaille avec une matière de plus en plus riche, de plus en plus souple, profonde. En même temps, il se risque à chercher son inspiration dans l'allégorie; naturellement, Girieud qui n'a en somme pas connu d'école, en est venu à la grande fresque.
Une consécration officielle de son talent : il est chargé de décorer la Faculté de Poitiers; Droit, Médecine, Sciences, Lettres, ce sont autant de pièces dans lesquelles sa personnalité a trouvé un cadre dans lequel il a pu s'exprimer tout entier.
"Il a disait de lui Robert Rey, la sagesse, le culte, la Foi, et le culte de cette poésie bien pensée dont la tradition avait failli se perdre et dont les grands classiques de la fin du XIX° siècle - Cézanne, Renoir, Gauguin - ont redécouvert la source pour les âges à venir".
Les élèves des Beaux Arts du Caire seront à bonne école.
|