Fiche bibliographique

Publication par Vauxcelles Louis d'une lettre de Pierre Girieud - "Enquête sur le métier de peintre - Pierre Girieud"
Le Gil Blas-n°12981-A34-

-Paris
30août 1912 p.4
Contenu sur Girieud
Cher Monsieur Vauxcelles S'il n'est pas un malhonnête homme, un peintre doit songer à la survie matérielle de ses tableaux; il doit avoir une autre conscience professionnelle que le commerçant qui lui fournit ses toiles et ses couleurs. C'est, je crois, à ce manque d'honnêteté et à l'ignorance de certains procédés du métier de peintre, perdus et oubliés depuis longtemps, que nous devons la mort des tableaux de l'époque romantique. Pour nous, nous avons cru trop longtemps que la luminosité est le plus grand agrément de la peinture, et nous avons répandu la lumière et les belles couleurs uniformément sur la surface de nos toiles... Cela nous jouera quelques vilains tours. Le remède, je pense, serait de faire broyer nos couleurs avec de vieilles huiles décolorées par la lumière solaire et non par des procédés chimiques. Les diverses sociétés de peinture auxquelles nous sommes attachés ne devraient-elles pas devenir nos marchands de couleurs? Il vaut mieux mener une toile lentement, par petites touches minces superposées. Là aussi l'enseignement des maîtres était précieux, et l'habitude d'ébaucher en camaïeu fort utile. De cette façon, les parties sombres sont moins chargées de pâte; au contraire, les lumières et les demi-teintes demandent un plus grand travail. Le bitume n'est plus employé depuis que l'on connaît les méfaits de cette belle et dangereuse couleur. Une bonne coutume est celle de peindre en demi-pâtes et par glacis sur des préparations faites en employant des terres très solides et séchant rapidement. C'est un danger lorsque on dévernit une toile sans grandes précautions. Les anciens ont eu particulièrement à souffrir de ces travaux faits négligemment dans les musées. Et cependant, c'est un très bon usage de vernir les tableaux. Un excellent vernis est le vernis dissout à la cire par essence minérale. Employé lorsque la peinture est bien sèche, c'est-à-dire un an et demi ou deux après l'achèvement de la toile, il fait revivre les tons qui s'enterrent et protège la couleur contre les mauvaises vapeur contenues dans l'air. Agréez, cher Monsieur, mes meilleurs souvenir. P.P. Girieud