Fiche bibliographique

Turpin Georges - "Pierre Girieud est mort "
Apollo---

-Paris
janvier 1949
Contenu sur Girieud
Le peintre Pierre Girieud, pensionnaire de la maison de retraite des artistes, vient de mourir après une longue et douloureuse maladie qui ne lui laissait point d'espoir à lui-même. Il endurait son mal avec un tel stoïcisme qu'il donnait encore à ses visiteurs une leçon. Nourri de culture gréco-latine, il savait qu'il y avait plus d'héroïsme à souffrir qu'à mourir et qu'il est beau de disparaître le sourire aux lèvres. C'était l'un des artistes les plus cultivé de son temps. Il avait su faire sa société des poètes et avait consacré aux Dieux et aux Héros de l'Antiquité ainsi qu'aux Princesses de la Fable et de la Légende des albums de lithographies aujourd'hui introuvables. Il était né à Marseille en 1875 et après de bonnes études classiques était monté à Paris, comme Mathieu Verdilhan, et Charles Camoin. Son plus grand ami avait été Joachim Gasquet qui l'avait soutenu de toute sa ferveur. Pierre Girieud avait fait ses débuts aux Indépendants, comme presque tous les grands peintres d'aujourd'hui. Il avait exposé en 1906 au Salon d'Automne avec les Fauves son célèbre Hommage à Gauguin, puis à la galerie Berthe Weill et chez Kahnweiler, le marchand de Vlaminck, de Derain, et des Cubistes, des œuvres fort remarquées et très hautes en couleurs. Mais déjà, un souci de la composition, de l'ordonnance classique se fait sentir dans ses tableaux. Son amour de la Provence, sa vaste culture classique, son admiration pour les maîtres siennois, l'amenèrent très vite à abandonner le Fauvisme et à poursuivre la recherche des disciplines perdues. Son évolution fut rapide. Déjà en 1914 et en 1920, à ses expositions chez Léonce Rosenberg, ses œuvres avaient retrouvé une grande sérénité. En 1929, à son exposition à la galerie Druet, Pierre Girieud affirmait totalement sa volonté de retrouver à travers le temps la noblesse du style. Il s'orienta ensuite vers la décoration et la fresque. Décora le Château de Pradines, la Tour des Métaux de l'exposition des Arts Décoratifs de 1926, la Salle du Conseil de l'Université de Poitiers, le mas de Puyvert et d'autres importants monuments. Il brossa encore des décors d'Orphée pour l'Opéra-Comique en 1929. Ses tableaux de chevalet, inspirés pour la plupart par la Provence et les environs de Marseille et de Nice, sont peints dans une gamme très claire. Les gris et les verts, les bleus de lin, les roses y tiennent une grande place. Ses œuvres , qu'il cire et ne vernit point, ont la matité des fresques. Ce sont de véritables harmonies. Elles ont beaucoup de style et de grandeur, d'autant plus que Girieud complète ses paysages par des figures et des académies de baigneuses, de beaux adolescents, de pâtres et de bergères auxquelles il accorde une valeur symbolique. D'un voyage en Grèce, l'artiste rapporte quelques paysages lumineux et exécute quatre lithographies en couleur qu'il consacre à l'Acropole. Mais ce sont à Lourmarin, la Cadière, le Baou de Saint-Janet, le Fallicon, Beaumes-de-Venise, le Moustiers-Sainte-Marie et les Alpilles qui semblent avoir eu toutes les préférences. Il en laisse d'inoubliables peintures que les amateurs se disputerons avant longtemps. Girieud a peint encore d’ascétiques portraits, dont beaucoup de portraits de lui-même, et des fleurs traitées avec une exceptionnelle sobriété. Pierre Girieud avait fait pendant très longtemps partie du comité du Salon d'Automne dont il était membre du Comité d'Honneur. Il avait exposé ses œuvres au Salon des Indépendants et au Salon des Tuileries. Il était chevalier de la Légion d'Honneur. C'et un grand peintre, un artiste complet comme nous n'en comptons plus que très peu qui vient de fermer les yeux à la lumière. Selon le mot de Baudelaire à propos de Delacroix que le poète Joachim Gasquet aimait à rappeler en parlant de Girieud. "IL a peint les beaux jours de l'esprit". Dans cette époque de fer où le matérialisme le plus grossier s'impose aux hommes, n'est-il pas de plus bel éloge à faire de Pierre Girieud? Les obsèques de Pierre Girieud ont lieu le jeudi 30 décembre 1948 à Nogent-sur-Marne.