Fiche bibliographique

René Jean - "La décoration de la salle des fêtes d'Ivry par M. Pierre Girieud "
Le Temps---

-Paris
17-octobre 1943
Contenu sur Girieud
L'esprit d'équipe est en honneur dans toutes branches d'activité. On l'a même étendue aux artistes, gens essentiellement individualistes, et appliquée parmi eux à des résultats plus ou moins dissemblables. L'un au moins apparaît particulièrement heureux : la décoration de la salle des fêtes de la mairie d'Ivry, exécutée avec la collaboration de Mlle d'Andréis et Simonnot, de M.M. Boulainghier, Chenu-Tournier, Chesneau, Maxime Girieud, Kresser-Desportes, Lanos, Poly, et Poupart, le maître d'oeuvre étant M. Pierre Girieud, maître d'oeuvre dans toute l'acception du terme _ toujours sur le chantier, traçant les lignes, choisissant les couleurs, surveillant l'exécution en ses moindres parties, y prenant une large part. M. Pierre Girieud est un méditerranéen, épris de synthèse et qui, d'instinct, vise à l'universel. Sa composition déroule en rythmes larges, le tableau des activités humaines, la famille formant le motif principal dans un groupe où la mère est à l'honneur,figure centrale qui évoque la Déméter antique. Nous sommes ici loin de tout mode épisodique. Qu'il s'agisse de symboliser les sciences ou de décrire le repos et les sports qui tiennent une large part dans nos préoccupations, les diverses scènes, avec leurs personnages nus ou drapés, sont de tous les temps, hors des petites contingences qui pourraient affaiblir la grande leçon qu'elles apportent. La draperie vêt la plupart des acteurs. A peine, ça et là, perdu dans l'ensemble, un détail moderne surgit-il, une bicyclette ou un automobile, mais tout le reste classique en son aspect général, dans cette salle aux vastes proportions. Classique et traditionnel, M. Girieud renoue ses conceptions à celles des maîtres de la Renaissance. Certaines figures de Vertu superposées dans des niches terminées en coquilles, tourne l'esprit vers notre XVI° siècle. Tout apparaît noble, calme et serein dès qu'on entre dans cette salle où les fresques couvrant en entier les mur se déroulent sous une frise à fond bleu lapis - décorée des nus d'un ton ocre uniforme dans leur dessin volontaire et précis. Cette frise court à la partie supérieure passant au-dessus des fenêtres qui en dictèrent la largeur, évitant ainsi que la composition soit brisée par ces larges baies, comme elle l'est inexorablement par les portes d'accès. Mais M. Girieud a su inscrire ces dernières ouvertures dans sa composition avec une remarquable ingéniosité et faire servir à ses fins les obstacles eux-mêmes. Cette somptueuse décoration, l'une des plus grandes réalisées en ces dernières années, fait honneur à notre temps. La salle des fêtes de la Mairie d'Ivry est aujourd'hui une sorte de chapelle laïque, dont la sérénité invite au recueillement. Elle portera vers l'avenir le nom de M. Pierre Girieud qui a compris le rôle décoratif de la fresque, employée dans une orchestration puissante et sonore, sans aucune mièvrerie. Peut-être, rejetant la peinture à l'huile, pensait-il avec Michel-Ange qu'elle est bonne seulement pour les paresseux. Dix mois d'un labeur forcené et ininterrompu ont abouti à un résultat qu'il sied de citer en exemple, comme est à citer en exemple la vie toute entière d'un peintre consacrée à l'Art avec un désintéressement et une foi admirables