| (....) ils sont venus là, Louis Riou, Gabriel Fournier, Paul de Castro (....) Ils sont venus, ils ont campé leurs chevalets, ils sont repartis avec leurs toiles, comblées, pour revenir, - mais Pierre Girieud est resté, plus heureux encore, il a pris pour support de son art les murs même de la chapelle désaffectée depuis des siècles et transformée en demeure rustique, et à toute cette beauté d'un paysage de Provence entre Cyprès et les chênes verts, il a voulu incorporer celle de son rêve perpétuellement hanté par les grandes figures souveraines et religieuses à travers l'écheveau desquelles l'anxieuse Psyché n'a cessé de poursuivre le secret de son destin. (....)
Trois grands panneaux de fresques, peints selon l'exacte formule des vieux maîtres italiens, avec la même joie et la même sincérité sont à vif dans le plâtre. Trois amoncellement de corps robustes et radieux, dans cette formule ramassée, qui caractérise Pierre Girieud lui-même, les anatomies construites à exprimer la pensée. Surprenantes parfois, sans doute, mais il est indéniable que, l'ordonnance de tout ce bel effort bien orchestré traduit des intention et des visées qui ne sont pas à la mesure d'artistes ordinaires. Les visages ont une beauté grave et convaincue, qui que leur lourdeur, gonflée de sève, rayonne.
Voici le Couronnement de Psyché. Sur le fond des Alpilles rocheuses , avec un petit temple rond à colonnes entre les cyprès et les chênes, Psyché, droite et le sein nu, est couronnée de roses par un Eros au profil d'éphèbe durci par les jeux du stade. A gauche, Vénus tend à la jeune femme docile sa coupe qu'une enfant qui tient un fiasque vient de remplir. Deux autres enfants qui portent des roses escortent l'Amour. Aux pieds de ces figures centrales, une grande volupté couchée. Le groupe de gauche est formé de quatre femmes et de deux enfants : une femme assise avec une guirlande entre ses mains représente la Parure. Une autre qui lui fait face est la Pudeur avec les deux enfants qui jouent à ses genoux. Elles sont dominées par deux des plus belles figures de la fresque, deux porteuses de corbeilles, dont l'une est la Jeunesse et l'autre l'Aurore.
L'équilibre est donné à droite par sept personnages, les trois Grâces dansantes au deuxième plan et au premier une femme qui dort, la Paresse, une autre femme, la coquetterie qui se regarde dans un miroir tenu par un enfant, tandis qu'une négresse enturbannée la coiffe.
Le ciel est une naissance d'aube verte et blanche.
Cette fresque forme le panneau central.
A droite, un autre panneau représente Les Noces de Bacchus. Paysage provençal de grandes roches en plein azur, avec un village à gauche et une bastide à droite. Bacchus et Ariane se passent la coupe sous un arceau de vigne. Autour d'eux une danse de bacchantes dont l'une, escortée de deux enfants, mène deux panthères, et pour achever la composition, à droite, une scène de vendanges, avec le fouloir, et trois satyreaux joueurs de flûtes diverses. C'est la liesse charnelle, le haut chant de la joie sensuelle, après l'éveil grave et l'anxiété heureuse, au seuil du mystère de l'élection de l'amour.
Un autre seuil, un autre mystère, une autre atmosphère aussi; le vrai seuil devant lequel Psyché s'arrête interdite, une atmosphère, déjà celui des Champs Elyséens. Ah! c'est la fresque la plus émouvante, celle qui donne son sens religieux à tout l'ensemble et que je mets encore au-dessus des deux autres. Le retour d'Eurydice aux Champs-Elysées.
An centre trois figures quasi sur-humaines, Eurydice accueillie et retenue, réconfortée par deux compagnes, qui sont à gauche l'Acceptation, et à droite, la Miséricorde! Une figure d'homme lui présente la coupe de l'oubli - ou de renaissance. Derrière elle, le paysage se compose de trois parties : l'Acropole avec ses monuments, à gauche; les rochers de Moustiers-Sainte-Marie, au centre; et la pyramide funèbre entre les cyprès du château de Pradines, près de Grambois.
Voici l'explication que donne Pierre Girieud, du groupe du troisième plan, à gauche. Un jeune voyageur vient d'arriver. Le personnage, qui a le dos tourné est un grand de ce monde, qui s'intéresse encore aux nouvelles du séjour des hommes. Celui dont on ne voit que la tête, et qui est le portrait du peintre, a l'air le plus désabusé. Un quatrième personnage, drapé de violet sombre, exprime la poésie du Regret. Au deuxième plan, assis et serrés l'un contre l'autre, deux jeunes amants heureux de se retrouver. A leur pieds Narcisse, qui se mire enfin dans l'eau du Léthé. La composition de droite est faite par un groupe de jeunes musiciennes, qui chantent les douceurs du séjour. La Béatitude les écoute, allongée à demi.
Ces trois fresques, d'un grand style, vont être accompagnées d'un ameublement étudié avec soin. (....)
- Reproduction du Couronnement de Psyché - des Noces de Bacchus - du Retour d'Eurydice des Champs Elysées |