On expose, pour quelques jours seulement, au musée de l'Orangerie, une importante décoration exécutée par le paysagiste Pierre Girieud pour l'université de Poitiers. J'ai dit avec intention paysagiste car l'artiste ne s'est guère fait connaître jusqu'ici que par des interprétations de nature, d'un caractère d'ailleurs très personnel et d'une remarquable justesse d'accent. Pourquoi faut-il qu'il ait eu l'ambition de s'affirmer comme peintre de nus? Rien ne l'y obligeait. Les grecs n'avaient pas l'habitude de se promener aussi nus que les nègres du Congo Belge ou de l'Afrique équatoriale française et d'exhiber leur anatomie dans le plein air. C'est ainsi pourtant que Girieud, dans quatre grands panneaux, s'est plu à figurer Pythagore, Lycurgue, Esculape et Homère entourés de quelques personnages dont les uns sont nus et les autres drapés. Il est même allé plus loin. Dans une demi-douzaine de panneaux très étroits, il a représenté des figures symboliques, en grisaille, qui se serait accommodées beaucoup mieux de la draperie que de l'état de nature. Elles n'ont rien de michelangesque et ne nous apparaissent que comme d'épaisses maritornes. Sans parler des incorrections de détail, il y éclate une lourdeur et une vulgarité dont les grands panneaux ne sont pas exempts. Mais dans ceux-ci, du moins, l'artiste a donné pour fond aux personnages des décors de nature d'une solidité imposante et d'une incomparable noblesse, et cela fait tolérer le criard des couleurs et la redondance des musculatures. Dans une ville qui possède des Puvis de Chavannes admirable, l'artiste eût dû éviter de faire du style. Girieud est persuadé du contraire. Que n'a-t-il appris à se connaître lui-même et à n'entreprendre que ce qu'il était capable de faire bien. Ne sutor ultra crepidam. |