Les portes du musée de l'Orangerie, grâce à l'intervention de Gabriel Boissy et à l'article qu'il écrivit ici-même, se sont ouvertes pour Girieud et les décorations destinées à la salle d'honneur de l'Université de Poitiers, décorations dont l'initiative revient à M. André François-Poncet, sont visibles pour le public parisien jusqu'au 24 courant. Elles iront alors prendre leur place définitive. On les voit à peu près telles qu'elles seront lorsque les ouvriers les auront marouflées aux parois d'une grande salle rectangulaire éclairée sur l'une des faces. A l'une des extrémités, une porte. A l'autre, un monument aux morts. Au-dessus de ce monument seront les deux tableaux consacrés l'un à la France victorieuse à qui deux muses apportent la lyre et les lauriers, l'autre à la France douloureuse consolant orphelins et veuves. Au dessus de la grande porte, l'Université, représentée par une femme drapée et couronnée, s'appuie sur l'épaule de jeunes athlètes assis à ses côtés. Elle a derrière elle, se continuant sur le mur à droite et à gauche un paysage où sont réunis les plus beaux monuments de Poitiers. Au premier plan, en deux groupes, les grands personnages qui se rattachent à l'histoire locale : Grégoire de Tour, Fortunat, Radegonde et Agnès, Charles VII et le duc de Berry sont à la droite et aux pieds de l'Université; à gauche, Ronsard, du Bellay, Rabelais, Descartes, Bacon, les médecins et les savants, ayant près d'eux la Minerve antique, naguère déterrée à l'emplacement même des bâtiments actuels, qui masque à demi le recteur actuel et l'artiste qui s'est représenté dans son oeuvre.
Ce tableau résume l'histoire de l'Université. Sur le mur principal, quatre autres compositions sont consacrées chacune à l'une des Facultés : le Droit, les Lettres, la Médecine et les Sciences.
Le Droit c'est Lycurgue et le serment spartiate. Le serment auquel assiste une foule pressée dans l'enceinte d'un hémicycle, est prêté par trois personnages aux âges divers de la vie : enfance, virilité, vieillesse. Tandis que derrière Lycurgue, une blonde plantureuse assise et vue de dos, inscrit la scène sur le marbre.
Les Lettres c'est : Homère chez les bergers. La scène a pour cadre un paysage formé de collines bleutées où poussent le peuplier, le chêne et l'olivier. Homère assis sur un banc, proche d'une jeune femme, tient sa lyre et parle. Il est écouté par de rudes et vigoureux habitants des campagnes, attentifs à ses propos, prêts à s'enthousiasmer pour la poésie qui vient à eux et les séduit.
Esculape à Epidaure évoque la Médecine. Esculape est statufié avec Hygie sur un socle d'une fontaine où un masque laisse couler dans un bassin l'eau miraculeuse vers quoi hommes et femmes de tout âge se précipitent avec foi. Ici encore, le paysage, qui continue ceux qui l'accostent, est de lignes classiques et sobres, avec ses montagnes lointaines et le charme bleuté de ses horizons.
Enfin Pythagore et son école représentent les sciences. Le maître, entouré de disciples, à l'angle d'une colonnade est arrêté devant un globe qu'il étudie. Sur le sol, devant un groupe attentif, un homme trace des figures géométriques. Proche d'eux, pour inciter les savants à la modestie et leur rappeler que le Hasard n'est pas étranger aux réussites de la science, des bambins jouent aux dés.
En tout, ces compositions glorifient la culture classique au service de la pensée française. M. Léon Bérard en sera satisfait. Mais Girieud n'a pas cherché à faire œuvre d'archéologie. Il n'a pas tenté de se documenter dans les livres. Il a laissé parler son imagination, guidée par le sentiment pictural qui harmonisait les teintes, faisait éclater un rouge, chanter les verts, exaltait la beauté des formes viriles ou féminines. Du côté d'où vient la lumière, entre les fenêtres, huit panneaux en hauteur restaient à décorer. Là, dans des niches en trompe-l'oeil, se dresseront sur des socles, huit femmes en camaïeu, opulentes et fermes dans leur formes nues, qui personnifient les Vertus pédagogiques. Les allégories les plus diverses pouvaient prétendre à ces places : les professeurs ne doivent-ils pas avoir toutes les vertus? Girieud a fait choix de la Foi, la Vocation, l'Abnégation, l'Etude, la Méditation, l'Invention, l'Expérience et la Vérité. Si tous les maîtres qui enseignent à l'Université de Poitiers possèdent en leur cœur l'amour de ces vertus, ils mériteront bien de la patrie entière.
Tel, cet ensemble, réalisé dans la solitude et qui fait grand honneur au peintre à qui il a coûté près de deux ans de travail, va aller rappeler aux enceintes consacrées à l'étude, la valeur spirituelle et idéale de l'art.
Est-il permis d'écrire qu'elle sera payée à son auteur, moins que la plupart les dioramas de l'Exposition Coloniale? |