Fiche bibliographique

Arnold H.G. - "Pierre Girieud "
Carnet de la Semaine---

-Paris
20-janvier 1929
Contenu sur Girieud
Il serait absurde de songer à assigner une classification, quelle qu'elle soit, à nos artistes d'aujourd'hui. Il y a ceux qui sont bousculés par une force, talent ou génie (allez les séparer nettement) et ceux qui ahanent et en sueur, s'efforcent avec une douleur comique, d'exprimer un silence intérieur obstiné autant qu'eux. (....) Il faut tout d’abord rendre hommage au flair merveilleux de notre mystérieux collaborateur Pinturicchio. (...) c'est lui qui, avec une certitude rare, nous a indiqué que Girieud était un grand maître; (...) Pierre Girieud naquit à Riez, dans les Basses Alpes. Pays de vent et de soleil, où les arbres sont petits et les collines escarpées; (....) Pierre Girieud a grandi dans cette ambiance et se sentait attaché à elle par un lien d'âme; et cela explique tant de chose! C'est tout naturellement qu'il aima à retracer sur le papier, puis sur la toile, les modalités scéniques de toute cette région. (....)Il quitta très tôt le Midi où l'art, en ce temps, était plutôt pauvre. (....) Girieud arriva à Paris, et connut de suite cette entité inévitable, la misère des débuts. Mais alors, elle était autrement joyeuse qu'aujourd'hui! (...) Cependant, Girieud, pauvre et heureux - comme il l'étaient presque tous! - travaillait sans cesse, sous la direction de son ami Launay. (...) Et il s'enthousiasma violemment pour ces deux grands bougres qui s'appelaient Gauguin, Van Gogh .... Il entra dans l’ère un peu plus réelle des expositions. La première fut celle du Collège d'Esthétique Moderne, que prônait, précieux, Saint-Georges de Bouhélier et Eugène Montfort. En 1908, il exposa chez Kahnweiler; puis chez Berthe Weill, en compagnie de ses amis Launay, Maillol et Durrio. Et il exposa aux Indépendants, passant dès 1910 aux honneurs du Salon d'Automne. En 1914, il avait une exposition chez Rosenberg, et la guerre arriva; il s'en fut sur la ligne de feu; mais sans cesser le travail qu'il reprenait avec joie aussitôt démobilisé, et qu'il continue toujours. Il y a beaucoup à dire sur l'art de Pierre Girieud; cela regarde Pinturicchio. Je vais m'efforcer cependant d'en donner quelque impression. Voici quelques années déjà que le peintre, abandonnant toutes les expériences, tous les tâtonnements, toutes les influences, s'est révélé enfin pleinement lui-même, dans un splendide épanouissement de qualités. J'aime par dessus tout Girieud paysagiste. Un paysage de Girieud est un lent poème. Comment il est arrivé à rendre certains aspects de ce Midi étonnant qui dissimule grâce à une atmosphère pure ses attributs tumultueux, voilà son secret. Il compose avec de petites touches de réel, un pays intérieur qui dépasse la réalité, s'impose à sa place. Girieud a ressuscité les ruines de Saint-Rémy, les saules de Riez, les ciels qu'on croyait oblitérés. Et je ne sais quelle odeur aigrelette d'antiquité s'infiltre dans ses paysages. Idylles, petits tableaux, les Dieux ne sont pas morts, ils ont à peine changé d'expression. Une Antiquité qui dépasse Pompéï pour rejoindre un Théocrite toujours vivant à travers les siècles. Et les portraits de Girieud, si vivaces et si prenants. Et ses nus où l'on sent la chair ferme, prête. Et toujours, à travers toute son oeuvre, la Vie multiple, tenace, telle que l'Idée la sent vibrer dans une réalité transcendante. Voilà ce qui fait que Pierre Girieud est ce qu'il est, un grand peintre sensible et véridique.