Fiche bibliographique

René Jean - "Deux expositions deux tendances MM. Georges D'Espagnat et Pierre Girieud - exposition Druet "
Comoedia-n°5843--

-Paris
09-janvier 1929 p.3
Contenu sur Girieud
Le hasard qui se plaît aux contrastes instructifs vient de faire surgir côte à côte, en même temps, l'exposition particulière de deux peintres qui représentant chacun une des tendances que, par Jeu puéril, on se plait à opposer périodiquement l'une à l'autre. L'un M. Georges d'Espagnat sert la prestesse désinvolte, l'autre M. Girieud soumet à des règles réfléchies les grands élans vis à vis desquels il marque une instinctive méfiance. Le premier se place à la suite des impressionnistes joyeux de voir la lumière diffuser les couleurs et faire vibrer les teintes claironnantes (....) Le second peut s'inscrire parmi les constructeurs soucieux d'enserrer, avec précision, les formes diverses, de marquer l'architecture d'un édifice ou d'un coteau, à l'aide d'un dessin volontaire. L'un est de tendances romantiques et va demander aux poètes persans le sujet d'un tableau; l'autre incline vers le classicisme et se plaît à la tâche austère de reproduire, trait pour trait, un portrait de Cranach, d'interpréter Le Tintoret et de dresser, d'après Rubens deux admirables figures nues qui apparaissent, dans l'ensemble qu'il a réuni, attirantes et magnifiques. Ne nous demandons point quelles recherches sont les meilleures et quelles doivent l'emporter. (....) Que l'on oppose cette page au Portrait de Fernand Mazade, par M. Girieud, ici, plus d'enveloppement, plus de caresse. mais une âpre analyse qui suit tous les contours, marque toutes les rides que la vie a tracé. Girieud vient rappeler que l'esprit analytique n'est pas le propre des artistes rhénans et que la Provence. elle aussi, sait soumettre ses fils à cette discipline. Discipline. ce mot vient rapidement à l'esprit lorsque l'on veut s'expliquer l'art de M. Girieud (....) Fuyant les clartés vaporeuses de l'Ile de France trop favorables à la rêverie, les brumes où Corot vit apparaître des nymphes romantiques aux contours imprécis, il a demandé ses modèles à la Provence, terre d'humanisme les rois des Alpilles, les monts qui entourent Moustiers lui ont fait dédaigner la forêt de Fontainebleau et les rives de la Seine. Il a recherché les coins âpres où l'olivier grimpe aux flancs des coteaux et où les dernières vignes mettent leur ceps tordus Là, si le souvenir des douceurs parisiennes qu'il a célébrées et vers lesquelles il revient quelquefois, Si ce souvenir l'appelle à des apostasies, il a, tout proches, les antiques de Saint-Remy et les colonnes de Riez qui le rappellent à sa vérité. (...)Pierre Girieud, épris de classicisme est hanté par le souvenir du Poussin et c'est une faiblesse pour un artiste que de laisser son esprit vagabonder vers de rives trop lointaines. Aussi bien, pourrait-on dire que la plupart des groupes nus que M. Girieud place, à la manière du maître des Andelys, parmi ses paysages, ces groupes apparaissent à peu près inutiles, n'ajoute rient rien à ses tableaux, si ce n'est, quelquefois, un accord colorié que fournirait, de même sorte, un rocher ou un arbre. Car M. Girieud ne saurait s'évader de son temps. Instinctivement, il, se rend compte que si, au XVIIe siècle le paysage n'existait, aux yeux des peintres, que tel un cadre pour une action ou pour un personnage, en notre époque, pour le cœur des contemporains, il se suffit à lui seul Nous ne vivons plus assez avec les dieux antiques pour qu'un groupe de femmes nues, surgissant parmi les lignes réalistes d'un site reproduit avec exactitude, si elles ne sont point des baigneuse auprès d'une eau tranquille, n'excite tout d'abord pas la surprise. Que M. Girieud nous montre dans la campagne Lou Pastre avec son chien et ses moutons ou deux personnages drapés passant près des vestiges d'une colonnade, rien de mieux, mais la juxtaposition, au seuil d'un paysage, emprunté avec précision à une nature déterminée, de deux groupes nus séparés par une ronde d'enfants également nus, donne simplement l'idée de trois ou quatre tableaux réunis en un seul. Un anachronisme sans raison profonde, ici, se fait inutilement place. Cette fantaisie qui se répète cesse d'être une fantaisie et rejoint la convention, agaçante sous toutes ses formules figées. Discipline et volonté, c'est par cela que M. Pierre Girieud est plus proche de l'esprit des plus jeunes peintres que M. Georges d'Espagnat. Les règles que M. Girieud a recherchées sont de celles qui se transmettent Une implacable logique servie par un labeur sans défaillance comporte un enseignement qui s'impose à une génération avide de certitudes et désireuse d'en rencontrer là même où elles se masquent. La fantaisie de M. d'Espagnat ne saurait s'enseigner. Sait-il bien lui-même quelle loi obscure lui prescrivit de faire chanter un coin de tableau par une note rouge? Est-ce à dire qu'il convient d'opposer les réalisations de ces deux peintres? Que non point. On peut goûter les unes et les autres et quant aux préférences, seules comptent ici les raisons du cœur qui lui, on le sait, ne connaît pas de raisons.