Fiche bibliographique

Gasquet Joachim - "Le renouveau de la fresque "
Voltaire---

-Paris
14-mai 1914
Contenu sur Girieud
Dans un grand mouvement d'expression collective qui remue, ainsi, en tout sens, notre art contemporain, un des faits les plus significatifs est sans contredit cette renaissance de la fresque que tentent quelques jeunes artistes, à larges vues, à saines ambitions, à métier sûr, comme Alfred Lombard, Pierre Girieud, Laffite et Dufrénoy. On peut justement, ces jours-ci, aller voir à la galerie Rosenberg, l'exposition de l'un d'eux. Pierre Girieud expose une trentaine de toiles, paysages, portraits, hautes compositions, ou il a su allier à la pureté du dessin, au goût de l'ordre et de l'archaïsme raisonné qui le caractérisent, les charmes contenus d'une sensibilité frémissante, les ardeurs d'un lyrisme aussi chaleureusement méditatif que rêveusement coloré. Cet art, tout de pensée et de volonté, s'enracine dans les sensation les plus voluptueuses. L'austérité qui l'enveloppe s'appuie sur la joie la plus sensuelle et les regrets les plus mélancoliques. Il y a derrière ces lignes et ces tons, un cœur d'homme qui croit ne rien devoir avouer de lui-même que son extase devant les lois incarnées du monde, mais que l'on sent battre dans toutes ces fermes et douces poitrines, regarder dans tous ces yeux profonds, respirer par toutes ces bouches où l'amertume le dispute à la gloire et le détachement à la ferveur. Logiquement, les tendances cérébrales de cet art devraient aboutir à la fresque, et elles y ont amener Girieud. Est-ce ce séjour à Sienne et en Italie, sa longue étude de Lorenzetti, de Giotto, de Gozzoli et de tous les grands fresquistes jusqu'à Pinturrichio et au Sodoma? Est-ce la lecture, gravement méditée, du traité de la peinture de Cenino Cennini, qui l'ont à la fin décidé? Ou simplement l'occasion de peindre, au château de Pradines, cette noble Nativité qui orne, avec le Sermon sur la Montagne d'Alfred Lombard et la Pieta de Dufrénoy, les murs de la vieille chapelle romane de Saint Pancrace? Toujours est-il que Girieud a trouvé sa vrai voie. Il se consacre, désormais, à la fresque. A côté d'Alfred Lombard, il est en train de peindre, pour la Faculté des sciences de Marseille, une immense composition d'une soixantaine de mètre carrés, où se meut tout un corps d'actifs ou méditatifs personnages en face de la mer, de la ville endormie et de grands monuments qu'ils contemplent ou achèvent de bâtir. (....)