Fiche bibliographique

Plan Pierre Paul - "Pierre Girieud "
Le Feu---

-Aix en Provence
1-février 1909 p.123à127
Contenu sur Girieud
Il n'y a que peu d'années que ce nom, celui d'un très jeune artiste, fut prononcé devant le public. Tout de suite, il fut retenu. C'était en 1904, au Salon des Indépendants. L'artiste exposait une Tentation de St Antoine qui sollicita l'attention par l'harmonie et le faste de ses couleurs. La composition provoqua la discussion. C'était comme un riche tapis d'orient, aux rouges, aux jaunes, aux bleus francs, une joyeuse fanfare de tons éclatants avec, au premier plan, un pays des Mille et une nuits, toute une assistance de personnages étranges parmi lesquels des rois, des papes, des évêques, mitrés, couronnés apportant des présents et des fruits, et arrêtés devant le Saint nu, qui repoussait la tentation de la Chair. La Tentation était figurée par une non moins étrange Reine de Saba qui, en dépit de sa pourpre et de ses ors, malgré tout l'apparat de sa suite de danseuses, malgré son trône, semblait plus appartenir à ce que, dans son langage savoureux monsieur Arthur Dupin appelle le "demi monde de la galanterie" qu'au grand nombre des cours d'où l'on verrait plus volontiers sortir une si grande Princesse. Et cela, particulièrement, intrigua. Un indiscret se permit de questionner : - Pourquoi la Reine de Saba a-t-elle la face ignoble et les tétons d'une gaupe? - C'est, répondit Girieud, que Flaubert le dit expressément : "je serai pour toi la fille des carrefours". Donc, ce fut devant l'oeuvre de Paul Gauguin que Girieud éprouva la frénésie divine, eut l'explication et la vision totale de ce qui, jusqu'alors, se préparait en lui. Elle lui apparut, cette oeuvre, tout-à-coup, et presque dans son ensemble. Et il la vit en compagnie de notre Francisco Durio, le pieux disciple du peintre de Tahiti. Ce fut pour lui la lumière, tout simplement. Ces harmonies de tons éclatants, ces recherches de concordances de lignes dont il n'avait jusque-là qu'un sentiment imprécis et qui faisaient frémir ses désirs, il en savait maintenant le sens et la raison, il en voyait le but. Il était en possession de soi. L'enthousiasme et la belle fièvre de la Révélation lui dictèrent sur le champ son Hommage à Gauguin, dévotieux ex-voto que, Partant dès le matin pour la Gloire et ses tâches il appendit à l'autel de ce maître