Fiche bibliographique

Poulin Gaston -Warnod André "La peinture trouvera-t-elle sa condamnation dans l'intelligence? Que doit-on penser de la crise et de ses causes?"
Comoedia---

-Paris
15 septembre 1931 p.1
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1° La mévente actuelle me paraît être fonction immédiate de la crise générale des affaires. Il était fatal que la peinture (objet de première nécessité intellectuelle) soit très fortement touchée par le ralentissement dans les transactions. Il faut bien dire aussi que les mêmes effets se seraient produits, hier, aujourd'hui ou demain, même si la crise n'était pas généralisée. L'agio s'est emparé du marché de la peinture et c'est là qu'il convient de chercher la cause principale de la baisse des valeurs en Bourse (je veux dire l'Hôtel des Ventes). En effet, il ne peut y avoir qu'un nombre restreint de collectionneurs susceptibles de payer des tableaux dépassant un certain chiffre; que celui-ci soit de cent mille francs ou d'un million, le moment arrivera toujours où le « plafond » sera atteint. A cet instant, seule la rareté de l'offre pourrait permettre de maintenir les prix, et ceci n est pas possible pour les peintres vivants qui produisent toujours, et parfois surproduisent. Si nous imaginons qui y ait de par le monde cent œuvres de Raphaël à vendre, nous pouvons affirmer qu'elles n'atteindraient pas toutes les 22 millions qui furent donnés dernièrement pour un tableau de ce grand maître. 2° Il est possible que la campagne dite contre "l'Art vivant" ait eu aussi une influence sur la baisse de certains tableaux, mais je crois plutôt à une coïncidence qu'à une action réelle; car si, véritablement bien conduite, elle eût pu avoir des effets sur certaines productions gonflées par les Marchands sans lé consentement général des artistes, son outrance même et son injustice pour quelques vrais peintres, l'auraient d'autant plus rendue inefficace qu'elle ne proposait pas des valeurs de remplacement satisfaisantes. 3° Je ne vois aucune raison plausible pour clamer : « La peinture se meurt, la peinture est morte! » Le nombre des grands peintres, ou même des peintres de valeur, a de tout temps été assez restreint: aux époques les plus fécondes, nous pouvons parmi les premiers en compter quatre ou cinq par siècle, et une centaine parmi les autres, ce qui me paraît fort estimable. Notre XIXo siècle français confirme assez bien ces chiffres; nous appartenons trop au XXe pour en bien juger, faisons-lui confiance. Le culte de la peinture (objet de première nécessité intellectuelle) sera toujours servi par ses prêtres, suivi par ses fidèles. Les 5e, 6e et 7" Arts, en attendant les 8e, 9e et 10e, ne visant pas aux mêmes buts, ne sauraient la supplanter. Que les peintres travaillent, qu'ils aient la foi. et laissons faire aux dieux!